Groenland -4- Ahurissant



Après deux journées de découverte totale à l'intérieur de la terre de Milne, nous revenons vers les piliers qui bordent le Couloir du Scarabée. Nous pensions initialement skier un couloir cul-de-sac-grosse-ambiance que l'on devine sur la gauche de la photo. En nous en rapprochant (de côté) nous devinons comme une "échancrure" derrière le-dit couloir, et notre intuition nous dit que ça à l'air de ressembler à quelque chose... Seule solution, prendre du recul en se décalant vers le milieu du fjord pour avoir une vision de ce à quoi ressemble cette "intuition"
La photo parle toute seule.


Une ligne. Une ligne parfaite qui s'insinue entre deux tours compactes au faciès Yosemitique.




A l'envie, comme d'habitude, nous décidons donc d'aller y trainer nos santiags à crampons. Nous comprenons assez rapidement qu'il se cache là quelque chose de fantastique. Les distances, qui de loin écrasaient tout, masquaient la réalité de cette ligne. L'encaissement est en fait démesurément profond, et la pente que l'on croyait débonnaire (encore que) se révèle corriace.








Là encore, nous regardons incrédules l'altimètre qui n'en finit pas de défiler (faut dire qu'on est des flèches et qu'on monte nos 1500m/h "fingers in the nose" ;o)


Avec le respect qui s'impose (les pierres ne peuvent pas parler) nous défleurons ce couloir qui n'avait pas dû recevoir de visite depuis quelques millénaires.



L'ambiance y est ahurissante. La pente se redresse, et l'une des
face qui la domine se couche également...en surplomb au dessus du couloir. Un pan du rideau s'est effondré un jour et trône désormais planté au milieu du couloir.
Au fur et à mesure que l'on monte, nous découvrons aussi que la pente se redresse, se redresse encore, et que le col qui marque la fin du couloir est en fait une monstrueuse corniche de neige qui bave au dessus des 1200 m. que nous venons de remonter.
Même si celle-ci ne me semble pas en l'état si menaçante que ça (pensez donc, elle fait juste 4 ou 5 mètres d'épaisseur), l'idée de sa rupture m'accompagnera jusqu'au bas de la descente. Nous sommes dans une souricière, ni plus ni moins.

La descente sera quelque peu tendue sur le haut. Patrick et Ilario décident de désescalader le haut en crampons. Jeff et moi gardons les skis, mais piolet en main, il sera difficile de se lacher pendant 200 mètres. La pente est un bon 50°, la neige n'est plus aussi poudreuse que plus bas et, rappelons-le, on est au Groenland : chute fortement déconseillée. Je cote cette entrée à 5.3, ce qui me semble justifié aux vues de ce que j'ai pu skier dans les Alpes.
Le reste est une descente dans un univers ahurissant, unique, véritablement unique.
Nous nommerons ce joyaux Excalibur, en pensant au coup d'épée dantesque qui à dû être donné ici en des temps immémoriaux, fendant la pierre en deux sur plus de 1000 mètres. A côté de cette cicatrice, le couloir nord du coup de sabre en Oisans fait bien pâle figure. Le sabre devait être abîmé...

Commentaires

Anonyme a dit…
Méga classe !
Quelles sont les températures moyennes ?
Yannick Ardouin a dit…
-5 le jour et -20 la nuit. Ce n'est qu'une moyenne.