De la Verte aux bleus

Alpinisme, quand tu nous tiens... Après deux weekends d'égarement volontaire, c'est avec une bonne dose de motivation que je remets les pieds à Chamonix.
J'étais plutôt motivé par un week end de granite en altitude vu la chaleur annoncée, mais Olivier "insiste" : la saison d'alpinisme va bientôt s'arrêter, il faut en profiter. Il a raison.

Nous partons vers le refuge de la Charpoua avec, en ligne de mire, l'arête Sans Nom à l'Aiguille Verte. Sommet mythique où, Olivier comme moi, avons déjà essuyé plusieurs échecs. Cette fois-ci, c'est sûr, ce sera la bonne. Et puis cet itinéraire, en rouge sur la photo, est paraît il splendide.
L'itinéraire s'est compliqué ces dernières années en raison d'un éboulement. Désormais, la voie cote TD avec une longueur en 6b/A0 qui n'existait pas avant.
Feu!

Après une longue approche sur le glacier mouvementé de la Charpoua, une goulotte de 500 m. nous amène à la brèche Sans Nom, sur l'arête. Le peu de glace qu'il reste nous permet de progresser rapidement dans cette nuit noire.


Le couloir a beau être fascinant, c'est hic et nunc que l'action se passe...
L'arête se déroule devant nous, parfois simple, parfois difficile. Les rochers sont vergalcés en de nombreux endroits, ce qui complique parfois les choses. Une erreur d'itinéraire et je m'use les avant bras dans un dièdre verglacé déversant. Les coinceurs zippent sur la glace. Combat.
La cheminée en vrai 4+ était cachée, un peu plus loin... Dans la nuit, les erreurs font vite mal aux bras. Tout comme ce 6b "montagne" négocié tant bien que mal à force de verrous de genoux.


L'itinéraire louvoie entre la glace du versant nord et quelques vires ensoleillées du versant Charpoua.

Nous évoluons ainsi, entre deux univers, pendant de longs moments. Certes, le sommet se rapproche, mais doucement, doucement. L'altitude et la fatigue, elles, se font sentir, doucement, doucement.


Festin des yeux.

Et puis le tant attendu, tant convoité, sommet de l'Aiguille Verte. Dieux que c'est beau! 12 heures d'ascension, nous sommes seuls là haut à admirer le massif du haut de ce sommet de carte postale...
Et puis, comme toujours, le plus compliqué en montagne reste à venir : redescendre. Nous sommes montés à un bon rythme, pas en retard sur l'horaire théorique, mais qui connaît la Verte sait qu'il n'est pas bon de s'aventurer dans la descente du Whymper aux heures chaudes. C'est tout le versant qui se purge quand le soleil tape. Ca tombe bien, aujourd'hui c'est la canicule.
Très méfiants, nous engageons la descente en rappel, les yeux aux aguets. Plus on descend, plus ça se complique. La neige devient une soupe immonde, infâme, dans laquelle on brasse de plus en plus. Et puis c'est le coup de semonce. Du bruit au dessus, des pierres qui descendent, certaines sont énormes. Enormes. Nous sommes protégés sur l'éperon, mais dessous c'est un lynchage du couloir qui s'organise. Toute sa largeur y passe... Malgré la chaleur étouffante, c'est le froid dans le dos que nous nous arrêtons. Il faut prendre une décision. Secours? Arrêt et attente de la nuit pour terminer la descente?
Le PGHM nous confirmera que notre situation mérite un petit détour de leur hélicoptère. Les pales qui tournent, le bruit du rotor, le treuil qui nous élève rapidement dans les airs. Mon pote Olivier et moi, pendus dans le vide, arrachés à la pente. Moment irréel. En 5 mn, nous sommes dans la vallée.
Premier contact avec les secours. Ces hommes bleus sont d'une efficacité redoutable, et même si pour eux cette évacuation n'avait rien d'excitant ni de compliqué, je suis impressionné, bluffé. Il est bon de se dire que mes impôts servent aussi à celà. Merci Messieurs.
Bilan : une superbe voie, une course d'ampleur qui mérite sa cotation revisitée. Cette Verte est à la hauteur de sa réputation. Notre évacuation? Nous savions qu'il ferait chaud, nous savions que nous serions -trop- tard au sommet. On a tenté, on a perdu. Rien de grave, un rappel à l'ordre comme il est bon qu'il y en ait, parfois.
Commentaires
Bon il en manque une depuis l'helico ;-)
Bravo en tout cas!